TV5 Monde : Tensions internes face à l’intégration de pays africains dans la gouvernance

Par Afrik.com  -  26 avril 2024 06:02

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TV5 Monde

TV5 Monde, la chaîne de télévision internationale francophone, fait face à des critiques internes concernant son projet d’élargir sa gouvernance à plusieurs pays africains. Cette décision suscite des inquiétudes parmi les journalistes de la chaîne soutenus par certains journaux français. En cause, le bilan de ces pays en matière de liberté de la presse. Ces acteurs préfèreraient transformer TV5 en chaîne africaine, mais sans les Africains !

Dans le cadre de son prochain plan stratégique, TV5 Monde envisage de proposer à des pays africains de siéger, de manière tournante, au conseil d’administration. Sont concernés le Benin, le Cameroun, les deux Congo (Brazzaville et Kinshasa), la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Sénégal. Cette initiative, révélée suite à des rencontres entre Yves Bigot, PDG de la chaîne, et les autorités de ces pays, vise à renforcer la présence africaine dans la gouvernance de la chaîne. Une proposition logique, car depuis des années TV5 voit ses audiences progresser sur le continent et donne de plus en plus de place à l’Afrique. Cependant, cette ouverture aurait un coût, car l’entrée dans le CA se ferait en échange d’une contribution financière annuelle de 600 000 euros. Une façon pour Yves Bigot d’augmenter son budget en poursuivant l’africanisation de sa chaîne.

Risques sur l’indépendance éditoriale ?

Cependant, cette ouverture n’est pas sans controverses. La Société des journalistes (SDJ) de TV5 Monde a été réactivée pour exprimer ses réserves. Des journalistes souhaitant rester anonymes, ont exprimé leur préoccupation quant à l’impact potentiel de cette décision sur l’indépendance de la chaîne. Pourtant, Dominique Tchimbakala, présidente de la SDJ est en négociation d’un nouvel accord sur l’indépendance éditoriale pour remplacer la charte actuelle. Une façon normalement d’apporter des garanties sur l’indépendance du contenu éditorial.

Certains correspondants craignent des pressions directes sur leur travail journalistique. « Parfois, après certains reportages, nous recevons des coups de fil des autorités pour faire pression. Si elles contribuent à financer notre employeur, elles peuvent penser avoir un droit de regard sur notre travail« , témoigne un correspondant cité par Le Monde. Pourtant la pression existe déjà aujourd’hui, et on peut imaginer que la participation des états africains permettra au contraire d’assurer à la chaîne une présence sur le territoire. Un point important après les coupures dont TV5 est régulièrement victime, comme RFI et France 24.

Un projet déjà bien ficelé

Face à ces critiques, la direction de TV5 Monde souhaite rassurer. Yves Bigot affirme que l’adhésion à la charte fondamentale de la chaîne, qui inclut l’indépendance de la rédaction, sera une condition sine qua non pour tout nouvel État actionnaire. Il insiste sur lé nécessité de s’ouvrir à l’ensemble de la francophonie. « On ne peut pas rester éternellement la chaîne de la francophonie du Nord sans accueillir les sensibilités et le regard des Africains », surtout lorsque 80 % des téléspectateurs viennent du continent africain.

Enfin, le président Emmanuel Macron pourrait profiter du sommet de la Francophonie en octobre à Villers-Cotterêts, en France, pour annoncer officiellement cette évolution du capital de TV5 Monde. Avec l’entrée des sept pays africains. Une décision politique qui apparait essentiel au développement de la francophonie. Car que vaut-il mieux privilégier, une chaîne francophone devant gérer les pressions de ces états actionnaires, et la France n’est pas avare en matière de pression…, ou alors comme le voudrait les puristes, une chaîne à destination de l’Afrique, mais sans les africains et qui ne sera rapidement plus diffusée dans les pays francophones du continent. Le débat reste ouvert mais on peut espérer que la raison l’emporte. Et même que le siège au Conseil d’Administration réservé à l’Afrique ne soit pas tournant entre les pays, mais au même titre que les autres actionnaires, France, Belgique, Suisse, Canada, Québec et Monaco.