
Au Maghreb, la rivalité entre le Maroc et l’Algérie se joue aussi sur le terrain militaire. Les deux voisins ont accru leurs budgets de défense et se tournent vers des fournisseurs étrangers stratégiques. Rabat mise sur la diversification, notamment avec Israël et les États-Unis, tandis qu’Alger s’appuie majoritairement sur la Russie. Au-delà des contrats, ces choix traduisent deux visions différentes de la sécurité et du rôle que chacun entend jouer dans la région.
Fournisseurs et alliances : la diversification contre la fidélité
Le Maroc a progressivement adopté une stratégie de diversification. Longtemps tourné vers ses partenaires traditionnels européens et américains, Rabat a franchi un cap en 2020 en rétablissant ses relations diplomatiques avec Israël. Ce rapprochement a débouché sur un mémorandum de coopération militaire et des acquisitions évaluées à près de deux milliards de dollars, comprenant notamment des drones et des systèmes de défense, selon le quotidien israélien Maariv cité par Barlamane.
En parallèle, le royaume dispose déjà d’une flotte de F-16 américains modernisés ainsi que de frégates françaises, dont la FREMM Mohammed VI livrée par Naval Group en 2014 comme le confirme Disclose. Des médias spécialisés rapportent également l’intérêt de Rabat pour les drones suicides Harpy et Harop produits par Israel Aerospace Industries, mais ces projets n’ont pas encore été confirmés officiellement.
L’Algérie, de son côté, a choisi la stabilité dans ses partenariats. La Russie reste son fournisseur quasi exclusif : avions Su-30 et Su-34, missiles Iskander, systèmes S-400 et bientôt Su-57 de cinquième génération. Selon le SIPRI, plus de 70 % des importations d’armes algériennes entre 2018 et 2022 provenaient de Moscou souligne SIPRI Arms Transfers Database. Quelques exceptions existent — drones chinois, navires allemands, véhicules blindés italiens — mais elles demeurent marginales. Cette fidélité à Moscou assure à Alger une cohérence doctrinale, mais l’expose aux effets des sanctions et retards de production liés à la guerre en Ukraine.
Menaces communes, réponses divergentes
Les deux pays justifient leurs investissements par des défis sécuritaires similaires : instabilité au Sahel, menace terroriste transnationale, gestion des frontières et rivalité territoriale. Pourtant, leurs réponses diffèrent. Le Maroc privilégie des technologies récentes, notamment les drones israéliens, capables de surveiller de vastes zones et de mener des frappes ciblées. Cette approche correspond à un besoin de mobilité et de réactivité dans un environnement où les menaces sont diffuses et imprévisibles.
L’Algérie, en revanche, conserve une logique de puissance militaire classique, héritée de son partenariat avec Moscou. Ses investissements massifs dans l’aviation de chasse et la défense antiaérienne témoignent d’une vision plus conventionnelle de la dissuasion, centrée sur la supériorité aérienne et la protection du territoire. Cette orientation renforce sa capacité à rivaliser avec Rabat sur le plan militaire, mais peut paraître moins adaptée aux menaces asymétriques.
Un équilibre régional sous tension
L’opposition entre diversification marocaine et fidélité algérienne n’est pas seulement une question d’armement, elle reflète deux choix stratégiques. Rabat cherche à s’arrimer davantage à ses alliés occidentaux et à bénéficier des innovations israéliennes, tandis qu’Alger confirme son ancrage historique avec Moscou, quitte à subir les aléas de la géopolitique internationale.