
Fin septembre 2025, des collectifs de jeunes Marocains qui se sont coordonnés en ligne ont tenté d’organiser des marches dans plusieurs villes pour dénoncer la dégradation des services publics — surtout la santé et l’école. Entre interdictions, dispersions et interpellations, la séquence met à nu le fossé entre une génération connectée, exigeant dignité et emploi, et des autorités focalisées sur la stabilité. Elle ouvre un bras de fer durable autour des priorités budgétaires et d’un nouveau contrat social.
La colère s’est cristallisée après une série de décès maternels à l’hôpital public Hassan-II d’Agadir, devenue l’illustration des failles du système de santé. Des limogeages et inspections ont suivi, sans dissiper le sentiment d’abandon dans d’autres établissements.
L’affaire a résonné bien au-delà du Souss, jusqu’à alimenter des appels nationaux à manifester.
Les rassemblements ont été impulsés hors des structures partisanes, via des plateformes et canaux Telegram nouvellement créés. Des collectifs comme Moroccan Youth Voice — et, dans l’écosystème, GenZ212 — ont relayé des consignes non violentes, un code vestimentaire et un cadrage revendicatif centré sur la santé, l’école et la lutte contre la corruption.
Les causes : « stades vs hôpitaux », coût de la vie et défiance
Au cœur des slogans, un grief : l’argent public consacré aux infrastructures du Mondial 2030 et aux méga-projets ne « ruisselle » pas vers les plateaux techniques hospitaliers, les personnels et l’école. À cela s’ajoutent inflation, chômage des jeunes diplômés et inégalités d’accès aux soins et à l’éducation. Le récit « dignité et services essentiels d’abord » a fédéré bien au-delà des clivages politiques.
À Rabat, Casablanca, Marrakech et d’autres villes, des dispositifs policiers ont empêché les rassemblements ou les ont rapidement dispersés. Des dizaines d’interpellations ont été rapportées par des médias et associations, nourrissant la controverse sur l’espace civique et la liberté de manifester.
Look how they snatch peaceful protestors as soon as they come near a microphone
These people aren’t police officers doing their job anymore, they are kidnappers
Where’s the democracy/free speech ?!#GENZ212pic.twitter.com/E6b2Sh7Ao1
— Vlonee (@VloneeLord) September 28, 2025
Une réponse essentiellement sécuritaire ne changera pas les revendications. La fenêtre d’apaisement passe par des gestes tangibles et vérifiables sur la santé et l’éducation, plutôt que par la seule communication gouvernementale.
Conséquences immédiates
Politiquement, l’exécutif va devoir produire des résultats visibles : renforts de personnels de santé, remise à niveau d’équipements, transparence des budgets, calendrier d’investissements et d’embauches dans l’école. En outre, la séquence a aussi projeté, à l’international, l’image d’un Maroc en marche vers 2030 mais fracturé par des services publics sous tension, une jeunesse revendicative et des forces de sécurité brutale qui interdisent la liberté d’expression.
Malgré les dispersions, Moroccan Youth Voice a annoncé vouloir prolonger une mobilisation « pacifique et durable ». Deux voies s’esquissent pour les autorités : ouvrir un dialogue structuré avec des délégations représentatives et publier des feuilles de route chiffrées et auditables, ou durcir encore la gestion de l’espace public, au risque d’entretenir la défiance d’une génération qui parle le langage des preuves — tableaux de bord, délais et indicateurs.
Les prochains week-ends diront si la « Génération Z » transforme l’essai de la rue en agenda de réformes mesurables.