
La décision de l’ambassade de France en Algérie d’accorder 8 351 visas étudiants pour la rentrée 2025 provoque une tempête politique à Paris. Cette hausse de plus de 1 000 visas par rapport à l’année précédente intervient alors que les deux pays traversent leur pire crise diplomatique depuis des années. L’absence de coordination entre le ministère de l’Intérieur et le Quai d’Orsay révèle un dysfonctionnement gouvernemental majeur sur l’un des dossiers les plus sensibles de la politique française.
Un affront diplomatique en pleine détention de Boualem Sansal
L’annonce de Campus France et de l’ambassade française à Alger, publiée le 29 septembre sur les réseaux sociaux, a immédiatement déclenché l’indignation de plusieurs responsables politiques. Éric Ciotti, président de l’UDR, dénonce ce qu’il qualifie de politique incohérente alors que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal demeure emprisonné depuis novembre 2024. Condamné à cinq ans de prison par la justice algérienne en mars dernier, son cas cristallise les tensions bilatérales. Marion Maréchal évoque quant à elle une « diplomatie masochiste », estimant incompréhensible d’offrir davantage de visas à un pays qui détient un ressortissant français et manifeste régulièrement son hostilité envers Paris.
Le taux d’acceptation des demandes atteint 87 %, un niveau particulièrement élevé qui interroge sur les critères de sélection appliqués. Cette générosité contraste avec les difficultés croissantes rencontrées par les Algériens souhaitant obtenir des visas touristiques ou professionnels, dont les délais de traitement se sont considérablement allongés ces derniers mois.
Nicolas Pouvreau-Monti, directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, souligne sur CNEWS que la France s’est fixé l’objectif d’accueillir 500 000 étudiants étrangers d’ici 2027, une ambition qu’il juge discutable dans le contexte actuel. Les statistiques révèlent qu’une majorité significative des étudiants algériens conservent un titre de séjour en France plusieurs années après leur arrivée initiale, transformant de fait le visa étudiant en voie d’immigration permanente.
Une cacophonie gouvernementale révélatrice
Le scandale ne réside pas uniquement dans les chiffres, mais également dans les conditions de prise de décision. Selon les informations d’Europe 1, le ministère de l’Intérieur n’a pas été consulté ni même informé de cette attribution massive de visas. Une source à Beauvau confie sa stupéfaction en des termes sans équivoque. Le Quai d’Orsay a agi seul, sans justification officielle fournie aux autres ministères concernés par la politique migratoire.
Cette absence de concertation soulève des questions sur la cohérence de l’action gouvernementale. Alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait annoncé une politique de fermeté avec des réponses graduées face aux pays peu coopératifs, la délivrance accrue de visas étudiants semble contredire frontalement cette ligne. Un conseiller du ministère précise que Beauvau n’intervient que pour le renouvellement des titres une fois les étudiants sur le territoire, mais cette explication technique ne dissipe pas le malaise politique.
Les relations franco-algériennes se sont progressivement détériorées depuis plusieurs années, avec une accélération notable en 2024. Le président Emmanuel Macron avait décidé en août dernier de suspendre l’accord de 2013 permettant aux hauts fonctionnaires algériens de circuler sans visa en France. Cette mesure répondait notamment au refus persistant d’Alger de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion de ses ressortissants en situation irrégulière. L’affaire Boualem Sansal s’ajoute à d’autres points de friction, comme la détention du journaliste français Christophe Glaze ou les déclarations régulières des autorités algériennes contre les symboles de l’ancienne puissance coloniale. La question mémorielle reste un sujet de divergence profonde, alimentant régulièrement les tensions diplomatiques entre Paris et Alger.
Le paradoxe de la coopération universitaire
Face aux critiques, une source diplomatique française tente de minimiser la portée de cette augmentation, affirmant que le nombre total de visas délivrés reste conforme à la moyenne des quatre dernières années. L’argument peine toutefois à convaincre dans un contexte où l’opinion publique française exprime des inquiétudes croissantes sur la maîtrise des flux migratoires.
Du côté algérien, la réaction est diamétralement opposée. La presse d’Alger salue cette décision comme une victoire diplomatique, soulignant que beaucoup anticipaient une réduction drastique du nombre de visas accordés. Les médias algériens interprètent ce maintien des quotas comme la preuve que la France ne peut se passer de la coopération universitaire avec l’Algérie, malgré les frictions politiques.
L’ambassade française à Alger a déjà lancé un appel aux candidats pour la prochaine session, avec l’ouverture de la plateforme Campus France le 1er octobre 2025. Cette continuité dans la politique d’accueil des étudiants algériens témoigne d’une volonté de préserver les échanges académiques, considérés comme un pilier stratégique de l’influence française au Maghreb.
Les débats parlementaires à venir permettront probablement d’éclaircir les arbitrages qui ont conduit à cette décision, alors que plusieurs députés de l’opposition ont déjà annoncé leur intention d’interroger le gouvernement sur cette politique qu’ils jugent contradictoire avec les objectifs affichés de maîtrise de l’immigration.
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