
L’idée de doter l’Ukraine de missiles de croisière Tomahawk ne relève plus seulement d’une hypothèse technique : elle est désormais analysée comme un facteur susceptible de modifier profondément l’équilibre militaire. Ces engins, connus pour leur portée impressionnante et leur précision redoutable, pourraient donner à Kiev un avantage stratégique inédit face à Moscou.
Un levier de frappe inédit pour Kyiv
Les experts de l’Institute for the Study of War (ISW) estiment que la livraison de Tomahawk permettrait à l’armée ukrainienne d’atteindre des infrastructures russes aujourd’hui hors de sa portée. Avec la version du missile capable de parcourir 2 500 kilomètres, près de 1 945 sites militaires russes deviendraient vulnérables. Même la variante plus « limitée », avec une portée de 1 600 kilomètres, mettrait déjà environ 1 655 objectifs dans la ligne de mire.
Cette capacité dépasserait largement celle des drones longue distance dont dispose Kyiv, souvent freinés par des charges utiles trop faibles. Les Tomahawk, eux, seraient capables de neutraliser des points névralgiques de l’appareil militaire russe. Des exemples concrets sont cités : l’usine d’Elabuga, où sont assemblés les drones Shahed, ou encore la base aérienne d’Engels-2, d’où décollent des bombardiers stratégiques. En termes simples, ce serait comme passer d’outils artisanaux à des instruments chirurgicaux capables de sectionner les artères vitales de l’ennemi.
Des avertissements qui rappellent la dimension politique
Si l’ISW met en avant le potentiel militaire de ces missiles, la dimension diplomatique ne peut être écartée. Ces dernières semaines, le président russe Vladimir Poutine a lui-même averti que l’introduction de Tomahawk en Ukraine franchirait une ligne dangereuse. Il a menacé d’une rupture des relations entre Moscou et Washington, en soulignant que l’usage de tels armements risquerait de changer la nature même de la confrontation. Cet avertissement vise autant à influencer la Maison-Blanche qu’à signaler aux alliés européens qu’un nouveau palier de tension pourrait être franchi.
Ce contraste est révélateur : d’un côté, les analystes américains mettent en avant l’efficacité opérationnelle des Tomahawk, de l’autre, le Kremlin brandit la menace d’une escalade diplomatique et stratégique. Entre ces deux récits, se dessine un dilemme classique de la guerre moderne : ce qui renforce un camp sur le terrain affaiblit en même temps la marge de négociation internationale.
Une équation aux conséquences multiples
Accorder à l’Ukraine une telle puissance de feu ne signifierait pas forcément une victoire rapide, mais cela compliquerait sérieusement la tâche des forces russes. Détruire des bases aériennes, frapper des sites industriels ou paralyser des nœuds logistiques reviendrait à ralentir la machine de guerre de Moscou et à offrir à Kyiv un souffle nouveau dans la durée.
Cependant, l’équation dépasse la seule efficacité militaire. La perspective d’un tel arsenal remet en jeu la capacité des grandes puissances à contenir une confrontation qui pourrait dépasser les frontières ukrainiennes. Comme souvent dans les conflits prolongés, une innovation technologique ou un nouvel armement peut bouleverser les lignes établies, à l’image des chars pendant la Première Guerre mondiale ou des drones au Moyen-Orient. Les Tomahawk, en Ukraine, pourraient jouer ce rôle de « rupture ».
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