
Tout a basculé dans la nuit du 21 au 22 juin, sur une plage de Cambérène que fréquentaient encore quelques groupes malgré l’heure tardive. Aux environs de 1h du matin, un policier en civil, appartenant à la 7e compagnie, s’est retrouvé mêlé à une rixe. L’altercation, d’une rare violence, a dégénéré lorsqu’un des protagonistes l’aurait attaqué au gaz lacrymogène avant de lui planter un couteau dans le dos. Le blessé a été transporté à l’hôpital Principal par son propre père, présent sur les lieux. Le certificat médical délivré atteste d’une incapacité de 15 jours.
Ce qui aurait pu rester un incident isolé a pris une tournure bien plus tragique. Deux jeunes hommes, désignés comme potentiellement impliqués, ont pris la fuite en direction de la mer. L’un après l’autre, ils se seraient jetés dans les vagues, sous les yeux des forces de l’ordre déployées. Malgré des recherches prolongées cette nuit-là, personne n’a pu être secouru. Plusieurs jours plus tard, leurs corps ont été retrouvés échoués sur la plage de la BCEAO, provoquant l’incompréhension, puis la colère.
Colère étouffée, rue incendiée
Lundi 30 juin, Cambérène s’est réveillée sous tension. Dès le lever du jour, les rues se sont transformées en théâtre d’affrontements. Jeunes en furie, barricades enflammées, pneus brûlés, jets de pierres : la VDN 3 est devenue impraticable. Les habitants n’ont pas attendu des explications officielles pour exprimer leur indignation. Pour beaucoup, ces deux décès sont perçus non comme un fait divers malheureux, mais comme le résultat direct d’un rapport de force déséquilibré entre population et autorité.
Des témoins évoquent une traque brutale, une peur panique, un sentiment d’impunité grandissant. Le quartier, habitué à l’anonymat de la banlieue dakaroise, s’est retrouvé brutalement projeté au cœur de l’actualité nationale. La tension, palpable, a duré plusieurs heures. Les forces de l’ordre, en nombre, ont tenté de contenir les débordements, sans parvenir à calmer les esprits.
Une enquête encore floue, mais des attentes claires
Face à l’embrasement, la police nationale a tenté de rassurer. Dans un communiqué laconique, elle rappelle que l’enquête est toujours en cours et promet que toute la lumière sera faite sur les événements. Mais dans les rues de Cambérène, ces mots peinent à apaiser la douleur et la défiance. Les familles endeuillées, les voisins, les jeunes du quartier attendent des réponses claires, au-delà des formules institutionnelles.
Le drame de Cambérène vient relancer un débat ancien sur les méthodes d’intervention policière, la protection des droits fondamentaux et le traitement réservé aux jeunes des quartiers populaires. Il interroge aussi sur les capacités des institutions à désamorcer les tensions avant qu’elles ne virent à la tragédie. Pour l’instant, deux vies ont été perdues, et une colère sourde continue de gronder sur les pavés du littoral nord de Dakar.