Entre l’Ukraine et la Russie, Israël a-t-il franchi le Rubicon ?

Par lanouvelletribune  -  28 septembre 2025 23:26

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Pendant des années, Israël a cultivé avec Moscou une relation mesurée, faite de contacts réguliers et d’un équilibre délicat. L’État hébreu s’était efforcé de ne pas heurter le Kremlin, notamment pour préserver sa liberté d’action en Syrie, où la Russie maintenait une présence militaire importante. Cette prudence se traduisait par un refus d’apporter des armes lourdes à Kiev, préférant se limiter à l’assistance humanitaire et à des systèmes d’alerte. L’évolution récente, avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie et l’affaiblissement de l’influence russe au Levant, a toutefois modifié les calculs stratégiques d’Israël et ouvert la voie à des décisions plus affirmées.

Une annonce qui rompt avec la réserve israélienne

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré samedi 27 septembre que son pays avait reçu d’Israël un système de défense antiaérienne Patriot, de conception américaine, déjà opérationnel sur le terrain. Il a également mentionné l’arrivée prévue de deux autres batteries dans les mois à venir. Si cette information est confirmée, elle marquerait un tournant dans l’attitude d’Israël, jusque-là réticent à livrer un armement de ce type.

Jusqu’à présent, Jérusalem justifiait sa retenue par la nécessité de préserver un dialogue avec Moscou et d’éviter des représailles, notamment en Syrie. La fin du régime d’Assad, allié de la Russie, a en partie levé cet obstacle. L’annonce de Zelensky suggère que l’État hébreu est désormais prêt à assumer un rôle plus direct dans le soutien militaire à l’Ukraine, quitte à s’exposer à une dégradation de ses relations avec le Kremlin.

Des répercussions diplomatiques sensibles

Le déploiement d’un Patriot en Ukraine n’est pas un simple transfert d’équipement ; il représente un signal politique. La Russie considère les systèmes occidentaux de ce type comme des instruments renforçant la capacité de résistance de Kiev et donc comme un acte hostile. Pour Israël, le geste souligne que la ligne de prudence observée depuis le début de la guerre en Ukraine est peut-être dépassée.

Cette évolution pourrait transformer la dynamique régionale : en s’éloignant de la neutralité prudente qu’il avait adoptée, Israël risque de perdre le rôle de médiateur qu’il avait parfois tenté d’endosser au début du conflit. Elle pourrait aussi compliquer ses propres relations avec Moscou sur d’autres dossiers sensibles, notamment la sécurité au Moyen-Orient et les flux de migrants.

Le franchissement du « Rubicon », s’il est confirmé, ne signifierait pas qu’Israël abandonne toute relation avec la Russie, mais il marquerait une inflexion stratégique. L’avenir dira si cette décision restera ponctuelle, motivée par les besoins immédiats de Kiev, ou s’il s’agit du début d’une réorientation durable de la politique israélienne vis-à-vis du conflit.