
Les débats autour des sanctions contre Moscou ont pris une tournure inattendue. Plutôt que d’annoncer de nouvelles mesures américaines unilatérales, Donald Trump a choisi de conditionner toute action à une décision préalable des pays européens : couper totalement leurs achats de pétrole russe. Une manière de renvoyer la balle à ses alliés et de placer Washington dans la position de l’arbitre, plutôt que du premier attaquant.
Des initiatives de paix converties en leviers de pression
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump a multiplié les gestes pour tenter d’orienter la guerre en Ukraine vers une sortie négociée. Sommets bilatéraux avec Vladimir Poutine en Alaska, réunions parfois électriques avec Volodymyr Zelensky, et rencontres élargies avec des dirigeants européens ont jalonné les derniers mois. Ces initiatives partaient d’une idée récurrente : pousser Kiev et Moscou vers un compromis, même si cela impliquait de contourner ou de bousculer les formats diplomatiques traditionnels. Dans ce jeu, Trump a souvent utilisé le langage de l’homme d’affaires, mêlant promesses de soutien conditionnel et avertissements économiques, comme s’il s’agissait de conclure une transaction plutôt qu’un traité.
Une exigence qui divise l’Europe
La nouvelle demande adressée aux Européens illustre cette approche. En posant comme condition l’arrêt complet des importations de pétrole russe, Trump pointe la dépendance énergétique qui perdure malgré les mesures déjà prises depuis 2022. Certains États, comme la Pologne ou les pays baltes, verraient dans cette ligne dure un prolongement logique de leur politique, mais d’autres, encore liés par des contrats ou confrontés à des contraintes économiques, peinent à envisager une rupture immédiate. L’exigence américaine agit ainsi comme une ligne de démarcation entre partisans d’un embargo absolu et tenants d’une approche graduelle.
Des sanctions transformées en outil de négociation commerciale
Au-delà de l’énergie, Trump propose aussi de frapper les pays tiers qui achètent massivement du pétrole russe, en ciblant notamment la Chine et l’Inde par de lourds droits de douane. Ce déplacement du débat vers le commerce mondial donne l’impression que la question des sanctions devient un pion dans une partie sur les équilibres économiques internationaux. Comme sur un terrain de football, où l’on change subitement de côté pour surprendre l’adversaire, le président américain relie la sécurité en Europe à la rivalité commerciale avec l’Asie.
Une stratégie qui teste les alliances
En conditionnant ses propres décisions à celles des Européens, Trump transforme les sanctions en test de loyauté. Les capitales européennes se retrouvent contraintes de choisir entre une solidarité coûteuse mais immédiate et une attente qui pourrait fragiliser leur unité. Cette méthode, qui privilégie la pression sur les alliés avant l’adversaire, brouille les repères traditionnels de la coopération transatlantique. Elle rappelle que, pour Trump, les alliances se gèrent moins comme des pactes stables que comme des contrats renégociés en permanence.
En filigrane, cette posture laisse entrevoir un risque : si les Européens ne parviennent pas à s’aligner, la Russie pourrait exploiter ces divisions pour renforcer sa position. Le dribble de Trump n’est pas seulement destiné à Poutine, il met aussi les partenaires occidentaux à l’épreuve, au moment où la cohésion apparaît comme l’une des rares armes encore disponibles face à un conflit qui s’enlise.