AES : à l'ONU, charges en règle contre la France et les Nations unies

Par lanouvelletribune  -  28 septembre 2025 09:30

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Réunis à l’Assemblée générale à New York, les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont dénoncé cette semaine l’action de la France et le rôle des Nations unies. Ces interventions marquent une étape supplémentaire dans la rupture diplomatique entre l’Alliance des États du Sahel (AES) et ses anciens partenaires occidentaux. Les représentants des trois pays reprochent à Paris une influence prolongée et aux Nations unies un traitement jugé inéquitable. Ces discours traduisent la volonté de ces gouvernements de redéfinir leurs alliances et d’affirmer leur souveraineté. Ils interviennent alors que les trois États ont récemment annoncé leur retrait de la Cour pénale internationale et la création envisagée d’une juridiction régionale.

Discours offensifs et critiques contre les institutions internationales

Le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine a ouvertement accusé la France d’avoir soutenu, selon lui, les groupes armés responsables de l’insécurité au Sahel et dénoncé le « pillage » des ressources naturelles, en particulier l’uranium exploité depuis des décennies. Il a également mis en cause la présence militaire française passée et a évoqué des exactions commises pendant la période coloniale. Ces déclarations s’accompagnent d’un appel à reconnaître les « souffrances » subies par les populations locales et à tourner la page d’un passé jugé inégal.

Son homologue malien, le général Abdoulaye Maïga, a fustigé la « sélectivité » des Nations unies, estimant que les conflits en Afrique ne reçoivent pas la même attention que ceux d’autres régions. Le Premier ministre burkinabè Jean-Emmanuel Ouédraogo a lui aussi dénoncé une approche internationale jugée partiale et a défendu la politique sécuritaire de son pays face aux menaces jihadistes. Ces interventions, soutenues mutuellement par les dirigeants de l’AES, soulignent la fracture croissante entre ces trois États sahéliens et plusieurs acteurs internationaux.

Ces discours à l’ONU traduisent une stratégie de repositionnement diplomatique. Ils traduisent la volonté de réduire la dépendance vis-à-vis des anciennes puissances partenaires et de chercher d’autres soutiens. Certains observateurs estiment que ce tournant pourrait redéfinir les équilibres régionaux, un sujet qui suscite déjà des analyses dans des cercles universitaires et diplomatiques où d’éventuels changements de coopération sont envisagés.

Un divorce progressif avec Paris et contestation du système multilatéral

L’éloignement de l’AES vis-à-vis de la France remonte à l’expulsion progressive des forces françaises de la région. Après des années de coopération militaire contre les groupes armés, le Mali a mis fin à la mission Barkhane et demandé le départ des troupes françaises en 2022. Le Burkina Faso a suivi en 2023, en dénonçant le manque de résultats dans la lutte antiterroriste. Le Niger, à son tour, a révoqué les accords de défense et obtenu le retrait des soldats français en 2024, après le changement de pouvoir à Niamey. Cette succession de ruptures a mis fin à plus d’une décennie de présence militaire française dans le Sahel et ouvert la voie à de nouvelles alliances sécuritaires.

Les trois pays reprochent également à l’ONU une approche qu’ils jugent inefficace. Ils citent le manque de soutien concret à leurs armées et une incapacité à contenir la propagation des groupes armés. Leur annonce conjointe de quitter la Cour pénale internationale a été présentée comme un acte de souveraineté judiciaire. Le projet d’une cour pénale sahélienne a été évoqué comme un instrument destiné à juger localement les crimes de guerre et les actes terroristes.

Ces prises de position interviennent alors que la région reste confrontée à une insécurité persistante et à des défis humanitaires. Le débat sur la réorganisation des partenariats sécuritaires et économiques au Sahel devrait se poursuivre, avec des répercussions possibles sur la coopération internationale et sur la dynamique des opérations de maintien de la paix.