Cancer du côlon : et si la solution venait d’une bactérie ?

Par lanouvelletribune  -  29 septembre 2025 23:45

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Le cancer du côlon reste l’une des principales causes de mortalité liée aux cancers dans le monde. Chaque année, des centaines de milliers de personnes en sont victimes, souvent parce que la maladie est détectée tardivement ou parce qu’elle résiste aux traitements habituels. Cette difficulté tient en partie au fait que certaines tumeurs échappent au système immunitaire, se faisant passer pour des tissus ordinaires. Cette invisibilité biologique est depuis longtemps un obstacle majeur aux thérapies existantes. Aujourd’hui, des chercheurs proposent une piste inattendue : utiliser un micro-organisme affaibli pour réveiller les défenses naturelles de l’organisme et redonner au système immunitaire le pouvoir de reconnaître l’ennemi.

Un allié microscopique au cœur de la tumeur

L’équipe de l’Université nationale de Singapour et de l’Université de médecine de Changsha a misé sur une souche atténuée de Salmonella Typhimurium, une bactérie connue pour se diriger naturellement vers les tissus tumoraux. Plutôt que de l’employer comme agent infectieux, les scientifiques l’ont reprogrammée pour qu’elle devienne un messager biologique. Arrivée au sein de la tumeur, cette bactérie atteint une densité critique avant de s’autodétruire grâce à un mécanisme intégré. C’est à ce moment qu’elle libère une protéine appelée LIGHT, chargée de déclencher une réaction immunitaire locale.

Cette protéine agit comme un signal d’alarme qui réveille certaines cellules immunitaires, notamment les ILC3, essentielles pour organiser la formation de structures lymphoïdes tertiaires matures. Ces regroupements cellulaires, semblables à des postes de commandement miniatures, se forment à proximité de la tumeur et permettent aux cellules T et B de coordonner une attaque ciblée. Ainsi, la tumeur devient visible aux yeux des défenses naturelles de l’organisme, jusque-là indifférentes.

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Redessiner la réponse immunitaire

Les essais menés sur des modèles animaux ont révélé des résultats encourageants : la croissance des tumeurs s’est ralentie, la survie des sujets s’est améliorée et, dans certains cas, les masses tumorales ont régressé. Les chercheurs ont aussi observé une amélioration de la diversité du microbiote intestinal, un aspect souvent perturbé chez les personnes atteintes de cancer du côlon. Cette double action – sur la tumeur et sur l’écosystème intestinal – suggère que cette approche ne se limite pas à déclencher une attaque mais contribue aussi à restaurer un environnement plus favorable à la santé.

Ce concept de « médicament vivant » se distingue des traitements classiques qui reposent sur des molécules chimiques ou des cellules cultivées en laboratoire. Ici, c’est l’organisme microbien lui-même qui transporte et libère le signal au moment opportun, avant de disparaître. Si les résultats se confirment chez l’humain, une telle approche pourrait transformer la manière de concevoir les immunothérapies, en rendant les tumeurs plus vulnérables aux défenses naturelles et en réduisant potentiellement le recours à des traitements plus lourds.

Bien que prometteuse, cette stratégie doit encore franchir plusieurs étapes, notamment prouver sa sécurité et son efficacité chez l’humain. Les scientifiques devront s’assurer que la bactérie ne provoque pas d’effets indésirables et que la réponse immunitaire déclenchée est bénéfique. L’idée qu’un organisme autrefois pathogène puisse devenir un allié thérapeutique illustre cependant la créativité de la recherche biomédicale et laisse entrevoir de nouvelles façons d’exploiter le vivant pour combattre l’une des formes de cancer les plus redoutées.